Un peu d’histoire…
Dans une première partie, nous ferons un rapide survol de l’histoire du chant et de la langue basque dans la liturgie.
Dans une seconde partie, nous ferons un rappel de l’histoire de la liturgie en basque et des Chorales liturgiques du Pays Basque depuis la création de leur fédération en 1969.
– I –
À vrai dire, nous ne savons pas depuis quand on chante en basque dans nos églises. Les documents les plus anciens remontent au XVIIe siècle .
Le premier fut publié avec une approbation de 1630 par Joannes Etcheberri, curé de Ciboure, sous le titre suivant : Noelac eta berçe canta espiritual berriac.
Ce titre laisse entendre qu’il y avait déjà d’autres chants, dont nous n’avons aucune trace. Dans ce petit livre, nous trouvons des cantiques qui sont encore chantés dans nos églises : « çato Izpiritua …. Canta
arin mundutarrak…. Ah, guiçona biçi haiz ixutua… »
Un deuxième livret parut à Pau, en 1686, publié par le jésuite Gazteluçar. Eguia catholicac salvamendu eternalaren eguiteco necessario direnac . Ici aussi nous trouvons des cantiques encore utilisés, comme : « Canta çagun guciec ahalic gorena….Creatura damnatua. » On peut donc affirmer sans risque de se tromper, que déjà auparavant on chantait en basque dans nos églises.
En 1545 , Bernat Dechepare publie le livre intitulé : « Linguae Vasconum primitiae.» Dans ce livre il y a une partie appelée « Doctrina Christiana », avec des poèmes tels que « Hamar manamenduac. »
« Ador ezak Jangoiko bat, onets oroz gainetik ;
Haren izena ez jura kausa gabe banoki ;
Igandiak eta bestak santifika debotki ;
Aita eta ama ohora hitzak, bizi izan luzeki…
Nous ne savons pas comment cela se chantait ; peut-être sur l’air des pastorales souletines ?
Aux XVII, XVIII et XIXèmes siècles , il y a peu de créations musicales originales ; ce sont des adaptations d’airs du répertoire français que l’on trouve le plus souvent, ceux utilisés dans les couvents et séminaires. Le père Lerchundi écrivait dans la préface de Kantikak paru en 1948 : « Nous ne croyons pas exagérer en affirmant que, pour les trois-quarts, le répertoire basque est constitué d’airs français plus ou moins basquisés .»
Heureusement, vers la fin du XIXe siècle se produit un renouveau, avec des auteurs tels que :
Gratien Adéma, « Zalduby » : « Oi gurutzea, oi Gurutzea … Adora dezagun … »
Jean Barbier
Charles Bordes, en 1899 , publie le livre « La tradition au Pays Basque », puis « La musique populaire basque », « Dix cantiques populaires basques », « Douze Noëls basques. »
En 1892, le Père Jaret, missionnaire diocésain publie « Hazparneko Galbarioa », un recueil de 74 cantiques.
En 1906, Sébastien Hiriart, professeur de musique à Larressore-Belloc fait paraître « Eskualdun Eliza-kantuak » : 200 cantiques avec leur accompagnement, ouvrage de grande valeur, très utilisé par nos organistes basques.
En 1936, Florentin Vogel, l’organiste de Saint-Palais, publie « 50 Eskualdun kantika. »
En Hegoalde, il faut citer deux musicologues très connus :
D. Resureccion M. Azkue, qui publia en 1912, « Canciones religiosas», un recueil de 89 cantiques .
Le capucin Jose Antonio de Donostia a publié en 1916-1917 : « Euskal eres sorta 66 kantikekin, et La musica popular vasca . »
Ils ont aussi publié d’autres œuvres qu’il serait trop long de citer ici.
En 1947, le Père Gabriel Lerchundi fait paraître un ouvrage qu’il préparait depuis plusieurs années, sous le titre « Kantikak ». Pour cela il avait parcouru les paroisses du Pays Basque, pour recueillir tout ce qui se chantait alors, ce qui n’avait jamais été fait jusqu’alors.
Il fit réviser certains textes défectueux, fit un choix dans les innombrables variantes musicales, inséra des cantiques composés par Iratzeder, dont il écrivit la musique. Un vrai travail de bénédictin toujours utilisé. Autour d’Iratzeder, d’autres jeunes moines de Belloc vont se lancer au service de la liturgie ; on sentait alors un souffle nouveau.
Le 3 février 1947, à Mouguerre, les Vêpres furent chantées en basque.
Le 3 février 2001, on les chanta de nouveau, dans l’église Mouguerre sous l’égide de l’Institut Culturel Basque.
En 1952, le pape Pie XII renouvelle la Liturgie de la Semaine Sainte, pour remettre en valeur le mystère pascal, mort et Résurrection du Christ, source et sommet de la Liturgie Chrétienne. Belloc publie alors le livret Gau saindua .
En 1953, les jeunes de Belloc chantent et publient une première messe en basque, avec le disque Jainko Jaun zerukoa, qui sera utilisé dans nos églises pour les messes dites basses.
En 1954 paraît « Pasionea »de Lerchundi-Iratzeder, qui sera chanté dans quelques églises .
La même année, « Mortutik oihu », la vie de Saint Jean Baptiste, de Lerchundi, Iratzeder, Charles Lebout.
En 1956 : Eguberri, de Aita Donostia-Iratzeder
En 1961, le Chanoine Narbaitz fait paraître « Elizako liburua », œuvre collective, qui donne une traduction des textes de la messe ; missel complet dont il avait déjà publié une ébauche en 1947.
En 1963, est édité le disque Aipa Jainkoa de Lerchundi-Iratzeder : des psaumes à 2 et 3 voix, chantés par les moines de Belloc, qui sera réédité plusieurs fois.
Le Concile Vatican II s’ouvre le 11 octobre 1962.
Un grand besoin de renouveau se faisait sentir dans tous les domaines de la vie chrétienne, et bien entendu dans la Liturgie. Des spécialistes de grand savoir et de grande foi se mirent au travail pour ce renouveau : pour les lectures bibliques (trois fois plus nombreuses qu’auparavant ), les chants (paroles et musique ). Il fallait imprimer ces nouveaux textes : EZKILA qui venait de naître s’en chargea..
Quelques uns se demandaient s’il était nécessaire de se lancer dans une telle entreprise : ne suffisait-il pas de passer au « tout en français » ?
La réponse vint lors de la rencontre mémorable des prêtres du Pays Basque au Grand Séminaire de Bayonne le 7 mars 1964 : la majorité opta pour la création coûte que coûte d’une liturgie en basque.
Cette même année vit la parution de Salmoak (Les Psaumes), l’œuvre monumentale de Lerchundi et Iratzeder.
Qui mesurera l’importance qu’eut cet apport ? Jusque là le peuple ne chantait que les psaumes des Vêpres, et en latin. La possibilité lui était donnée de se familiariser avec la prière des psaumes ?
Un énorme travail de traduction des textes commença alors, qui a duré plus de dix ans.
Rappelons les noms de tous ceux qui se réunissaient tous les lundis à Belloc pour les traductions :
Pierre Andiazabal, secrétaire de la Commission de Liturgie ; les Pères de Belloc : Iratzeder, Joseph Olçomendy, Marcel Etchehandy ; les chanoines Laffite et Eppherre ; les abbés Pierre Etchebarne, Emile Larre, Benoît Olhagaray, Marcel Larralde, Georges Bidart , Jean Hiriart-Urruty, Pierre Charritton, le père Mañex Erdozaincy, etc..l.
Pour la Musique , citons le Père Lerchundi, le chanoine Narbaitz, François Lopépé de Belloc, les abbés Donetch, Arrabit, les musiciens Juan Urteaga, Pierre Lagrenade, Thomas Garbizu, Juan Jose Olaizola.
Ainsi en 1964, Ezkila publia :
Le 2 janvier, Meza Nagusia de Lerchundi.
Le 5 février, Herriko Meza de Garbizu
Le 19 février, Meza laburra de Narbaitz
Le 7 mai, Igandeko Meza de Urteaga
Le 28 juillet, Euskal Meza de Olaizola
De 1964 à 1967 paraissent les traductions des lectures du Missel Romain, en divers fascicules, sous le titre Irakurgaiak. Et aussi les traductions des prières du Missel Romain, en fascicules qui furent reliés en un seul volume. En 1967 vint la permission de traduire la Prière Eucharistique, qui se disait en latin jusque-là. Mais les responsables romains nous rappelèrent qu’il ne fallait qu’une seule traduction pour la même langue. Et ce fut le début d’un travail interdiocésain (Bayonne, Pampelune, Bilbao, Gasteiz, Saint-Sébastien).
En 1969 parut le Missel Romain rénové, et les livres des lectures bibliques que nous connaissons maintenant, imprimés d’abord par Ezkila. Les prières dites de l’Ordinaire de la messe demandèrent le plus de travail : il fallait aboutir à une traduction unique pour tous les dialectes, qui puisse être chantée dans la même musique dans toutes les églises du Pays Basque. Un concours fut lancé entre tous les musiciens basques, et un choix établi pour une messe dite officielle entre les prestations des divers auteurs. Ce choix fut fait en fin 1969 à Saint-Sébastien, par une commission présidée par le directeur de Conservatoire de cette ville, M. Escudero.
– II –
La fédération des chorales
En 1966 , trois chorales se réunirent à Saint-Jean-de-Luz, sous la direction de Juan Urteaga (Begiraleak, Oldarra et le Chœur des moines de Belloc) pour chanter la Messe des Corsaires, œuvre magistrale d’Urteaga, qui se chante encore chaque année dans la même église.
Il y avait des chorales dans certaines paroisses du Pays Basque. Pourquoi ne pas en susciter dans toutes les paroisses ? L’idée fit son chemin.
Et en 1968, un groupe de prêtres et de laïcs se réunit pour en discuter. Il en ressortit la conviction qu’une chorale apporterait un plus à nos célébrations :
En aidant l’assemblée à apprendre des airs nouveaux,
En rehaussant l’éclat des célébrations des fêtes
Cela créerait des relations nouvelles entre paroisses.
Ce serait une aide puissante pour renouveler et enrichir le répertoire de nos cantiques.
Ainsi, le 23 janvier 1969, naquit au Petit Séminaire d’ Ustaritz, la Commission des Chorales du Pays Basque (C.C.P.B.)
Le 6 février 1969, la première réunion se tint à Belloc, présidée par le Chanoine Narbaitz et Pierre Andiazabal. En voici les membres : les abbés Camino, Arrabit, Donetch, Sarcou, le père Lopepé de Belloc et Pierre Lagrenade. On décida :
De rassembler les partitions existantes de chants à 2 ,3, 4 voix.
De proposer chaque année un choix de chants.
De demander aux musiciens de proposer du nouveau.
De proposer chaque année un programme complet à toutes les chorales.
Le premier rassemblement des chorales eut lieu à Hasparren le 23 novembre 1969 : 600 choristes dirigés par M. Sarramagnan, venus de presque toutes les paroisses. L’abbé Camino présidait, le Chanoine Narbaitz prononça l’homélie. Ce fut splendide.
Depuis, le travail continue… de la même façon. Le livret édité chaque année porte le même titre :
Kanta Jaunari 1969 Hazparne…
Notre commission compte actuellement 13 membres : 5 abbés, 8 laïcs.
Nous commençons par choisir le dimanche et l’église où aura lieu le Kanta Jaunari.
Au début, nous faisions deux rassemblements, à cause du nombre de choristes, l’un au Labourd, l’autre en Basse Navarre, ou en Soule, avec le même programme.
Choix du maître de chœur. De l’organiste. Du président de la célébration.
Choix des chants, en lien avec les lectures du jour.
Des propositions sont faites, les musiciens ou les auteurs de cantiques sollicités ….
Ce qui suppose un travail de 3 ou 4 mois.
Puis une autre réunion, et c’est la préparation et l’édition des partitions, l’enregistrement d’une cassette, voix par voix, ce qui facilite l’apprentissage du chant.
Dans ces 10 dernières années, nous avons tenu à préparer la célébration, la veille du rassemblement avec l’équipe liturgique du lieu . Et aussi, un repas fraternel rassemblant tous les choristes.
Un dernier point : avons-nous introduit trop de cantiques « étrangers » ? Certains le pensent.
Voici mon point de vue : quand je trouve une musique que je trouve belle, qui m’aide à prier, pourquoi ne pas l’utiliser ? Un exemple : Nous comprenons mieux maintenant l’importance de la doxologie qui termine la Prière Eucharistique Par Lui, avec Lui et en Lui. Jacques Berthier a composé une musique vraiment très belle, que nous avons introduite dans notre liturgie des Fêtes. Si nous n’avions pas mis le nom du compositeur, qui se serait douté qu’il s’agissait d’un air « français » ? Disons ce qui nous a incité à adopter des airs de l’extérieur .
1° Du fait des pèlerinages à Lourdes, nous avons été amenés à adopter le répertoire des sanctuaires, traduit en basque. Ainsi : Gloria… Saindu, Bat gaude… Zurekin goazi, Jauna… Ogi guretzat emana… Bai gora Jaungoikoa… que l’on chante volontiers dans nos églises.
2° Il y a 40 ans, les auteurs ne manquaient pas, soit pour les textes, soit pour la musique. Il suffisait alors de demander… Où sont aujourd’hui les Lerchundi et Iratzeder, Urteaga, Donetch, et quelques autres ? Où est celui qui prendra la suite d’Emile Larre pour les textes ? Ou bien nous ne savons pas les trouver.
3° Dans notre pauvreté, il faut bien recourir aux emprunts, paroles et musique. D’ailleurs les paroles sont plus importantes, car elles modèlent notre prière, éclairent notre foi. Regardons les auditeurs des bertsulari : ce qui leur importe ce sont les paroles.
4° Depuis quelques années nous ajoutons quelques chants hors programme, souvent venus « d’ailleurs » ; Plus difficiles, ils peuvent intéresser des chorales plus expérimentées.
Si nous regardons la liste des chants que nous avons mis au programme de ces rencontres des chorales de 1989 à 2009, voici ce que nous constatons : chaque année nous avons chanté une quinzaine de cantiques , qui sont ainsi répartis :
Chants du répertoire basque : 251
Chants du répertoire français (ou autre) : 28
A vrai dire, c’est surtout ces dernières années que les chants venus d’ailleurs ont été mis au programme.
A l’heure actuelle le nombre des « ouvriers » diminue, les besoins sont toujours là.
La volonté de continuer est toujours vivante. Il est indispensable que cette œuvre perdure.
En dehors des chorales, il faut mentionner aussi ce qui a été fait au niveau des enfants et des jeunes. Il y a eu là des réussites.
Citons :
Le recueil Haurrak kantari.
Le trio inséparable : Berterretche, Larrieu, Erramouspé.
Michel Lecuona, Roger Idiart
Iguzki lore et ses chants pleins de lumière et de chaleur.
Graxi et Pantxika Solorzano (pour les enfants du Catéchisme).
Le livret Saint Sauveur-Errobi-Ustaritz
Radio Lapurdi Irratia qui diffuse nos chants et nos textes.
Excusez les oublis !
Père Ignace Etchehandy de l’Abbaye de Belloc, le 19 avril 2009.
(Traduit du basque par le Chanoine Pierre Andiazabal).